Dernières retombées de la visite à Bruxelles

:discution: Le seul endroit où vous pouvez papoter d'autres choses que de vos poissons !
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Niihao
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Dernières retombées de la visite à Bruxelles

Message par Niihao »

Nihao,

Lors de la visite du centre d'aquariologie de Bruxelles, certains membres du forum se sont demandés pourquoi le centre n'obtenait pas de subsides. Une telle question fait toujours sourire un Belge car il lui faut se lancer dans des explications institutionnelles assez complexes. A la demande de L46, notamment, je relance un poste sur la Belgique, avec l'assentiment de Nicolas et en en ayant expurgé les éléments politiques. Ceci afin d'essayer de vous faire comprendre mieux notre pays, qui semble parfois très mystérieux. Je publierai l'article en plusieurs parties, vu sa longueur. Un peu tous les jours... Bonne lecture !

La structure institutionnelle et politique de la Belgique découle de la conquête romaine. En effet, les Romains ont conquis la Gaule belgique jusqu’à un peu plus au Nord que les actuelles villes de Namur, de Charleroi, de Tournai, de Lille et de Liège. Bien sûr, la plupart de ces villes n’ont été fondées que bien plus tard. Charleroi, par exemple, ne fut fondée qu’au XVIIe siècle. En revanche, Bruxelles (qui est la capitale actuelle de la Belgique et, de fait, ne se trouve pas en France ; je précise parce que j’ai déjà entendu dire par des Français que Bruxelles se trouvait en France…) se trouvait à l’extrême limite Nord du domaine romain.

Le plus important, c’est que depuis environ 50 ACN (Jules César) les gens du Sud de l’actuelle Belgique ont commencé à parler latin. Entendons-nous ; ce n’est pas le latin que l’on parlait à Rome, mais un latin de cuisine très approximatif. Les gens au Nord de la frontière n’ont quant à eux pas eu à apprendre le latin, puisqu’ils avaient assez peu de rapports avec les Romains.

Cinq cents ans plus tard (476), les barbares mirent fin à l’Empire romain d’Occident. Depuis une cinquantaine d’années, suite à la désagrégation du pouvoir, des hordes de barbares pénétraient au sein de l’empire. Beaucoup passèrent sans s’arrêter (les Vandales, par exemple) pour s’établir plus au Sud. Les Francs choisirent de s’arrêter dans l’actuel Nord de la France et dans les régions qui constituent actuellement la Belgique. Ils n’imposèrent pas leur langue à la population, mais conservèrent l’usage du latin à cause de l’importance culturelle de cette langue. Les gens du Sud de la Belgique continuèrent donc à parler latin en y insérant des mots de la langue des nouveaux occupants. Ceux du Nord, qui ne parlaient pas latin, insérèrent des mots francs, c’est-à-dire germaniques (éh oui !), dans leur langue.

A partir de ce moment-là, dans les régions de la Belgique actuelle, des dialectes proches de deux langues se développèrent : différents dialectes wallons s’apparentant au français au Sud, différents dialectes flamands s’apparentant au néerlandais parlé au Pays-Bas au Nord.

Voilà pour la première partie. Si vous avez des questions, je vous en prie. Autant que faire se peut, j'y répondrai.

A bientôt,

Niihao.
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Lau.
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Message par Lau. »

Merci de ce post. J'attends la suite avec impatience.
Gloup Gloup,
Lau.
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Niihao
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Message par Niihao »

Nihao,

Eh bien, ravi que ça te plaise, Lau. Voici la suite, donc.

Sur le plan politique, la Belgique fut une région âprement disputée au cours du temps. Au Moyen Age, la Belgique fut divisée en différents duchés, comtés, principautés et autres domaines ecclésiastiques. Ainsi, le comté de Flandre (qui comprend aussi une partie du Hainaut, actuelle province belge) fut longtemps rattaché à la France par des liens de vassalité. Le duché de Brabant, courant de Namur à Anvers et jusqu’à Aix-la-Chapelle en passant par Bruxelles, fut rattaché à la Bourgogne à la fin de la guerre de Cent Ans. La principauté de Liège, pour autant que je sache, fut rattachée au Saint Empire Germanique. Au XVIe siècle, alors que la féodalité s’effondrait et que le royaume de France se renforçait, les provinces de Belgique et des Pays-Bas tombèrent sous la coupe de la couronne d’Espagne ; ce fut le règne de Charles Quint et de Philippe II. Au XVIIe siècle, les Pays-Bas prirent leur indépendance sous le nom de Provinces Unies. Les provinces belges actuelles restèrent la possession des Habsbourg d’Autriche à la tête d’un puissant empire. A la Révolution Française, les Provinces Belgiques Unies proclamèrent leur indépendance (vers 1795), pour très peu de temps, puisque la République de France, puis l’Empire de Napoléon réintégrèrent en leur sein nos régions. En 1815, à la conférence de Vienne, si je me souviens bien, les grandes puissances d’Europe intégrèrent les provinces belges au royaume des Pays-Bas. Révoltés par le joug de plus en plus lourd des Hollandais, les Belges déclarèrent l’indépendance en 1830. En 1831, le 21 juillet, le premier roi des Belges, Léopold Ier prêta serment et fonda le royaume de Belgique. En moins de 1000 ans, les actuelles provinces belges furent donc bourguignonnes, françaises, espagnoles, autrichiennes, hollandaises et indépendantes. Qui s’étonnerait alors que les Belges figurent parmi les peuples les plus pro-européens de l’Union ?

En 1830, la Belgique est une monarchie parlementaire. En d’autres termes et selon la Constitution, le roi n’a que très peu de pouvoir. C’est d’ailleurs le même type de pouvoir qui est mis en place en France à la même époque…à ceci près que la France fait une nouvelle révolution en 1848 et pas la Belgique. En 1830, il existe toujours deux communautés en Belgique, qui datent de l’Antiquité : les « francophones » au Sud répartis sur quatre provinces, les « néerlandophones » au Nord, eux aussi répartis sur quatre provinces. Il y a en plus une province centrale (le Brabant) dont le centre est Bruxelles. Le Brabant n’échappe pas au phénomène de « frontière linguistique » qui sépare le pays en deux : au Nord du Brabant, les gens parlent néerlandais (enfin, flamand), au Sud, ils parlent français (enfin, wallon). Mais grâce à la scolarisation du XIXe siècle, ceux qui parlaient flamand chez eux parleront de plus en plus néerlandais, ceux qui parlaient wallon chez eux parleront de plus en plus français, jusqu’à ce que les dialectes, surtout wallons, ne soient plus usités dans la vie courante, excepté dans les villages. Un détail important encore au sujet du Brabant : Bruxelles, siège du parlement national, est enclavé dans la Flandre ; normal : historiquement, c’est une ville flamande. Attention, on y parle bruxellois, melting-pot (mélange) entre flamand et wallon.

A bientôt,

Niihao.
Modifié en dernier par Niihao le 08 juil. 2007, 14:23, modifié 2 fois.
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Niihao
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Message par Niihao »

Nihao,

Voici la suite de l'aventure belge :

A présent, les choses se corsent : depuis le Moyen Age, les gens en Flandre, au Nord, parlent le flamand. Mais ce n’est pas le cas de la noblesse : celle-ci ayant de fréquents contacts avec la cour de France, les nobles flamands parlent tous français. D’autant qu’avec le statut de langue littéraire qu’acquiert le français grâce à Richelieu et son Académie, les nobles flamands, et a fortiori les nobles wallons, préfèrent parler français : ça fait plus distingué. Au XIXe siècle, cette situation est encore d’actualité, et tous les dirigeants belges, flamands ou wallons, parlent français. En effet, seules les grandes familles d’industriels, d’avocats, de médecins et la noblesse ont le droit de vote à l’époque. Seules les classes aisées ont accès au pouvoir et donc, dans les hautes sphères, on parle français uniquement. En outre, à cette époque, la situation économique est largement favorable au Sud du pays : les bassins houillers et la sidérurgie sont situés en Wallonie. Le pôle francophone du pays tire donc une Flandre alors à la traîne du fait de son manque de ressources naturelles. Bruxelles, la capitale, concentre un grand nombre de personnes parlant français. Bien que située en Flandre, alors que les gens y parlaient bruxellois, c’est-à-dire un dialecte qui emprunte tantôt au français et tantôt au flamand, Bruxelles commence à parler majoritairement français. De même, toutes les universités belges de l’époque parlent français – voire latin –, mais certainement pas flamand.

Au cours du XXième siècle pourtant, les premières revendications flamandes, légitimes, se font entendre : le peuple réclame d’avoir accès aux lois en flamand, que la justice soit rendue dans cette langue, que le flamand soit reconnu comme langue nationale,… La conscience nationaliste flamande se développe dès l’issue de la Première Guerre Mondiale (1918). En 1932, sous la pression des mouvements nationalistes qui revendiquent de plus en plus fort l’utilisation du flamand dans les structures de l’Etat en Flandre, les autorités politiques dessinent pour la première fois, sur le plan administratif, les frontières régionales de la Belgique, en fonction de la langue parlée par les gens : par referendum, on demande aux gens quelle langue ils parlent à la maison. L’accord politique entre Flamands et Wallons prévoit que cette frontière sera redéfinie tous les 10 ans. Cela aboutit à ce que l’on a appelé la « frontière linguistique », c’est-à-dire un découpage administratif de la Belgique en fonction de la langue parlée. Au Nord, le pouvoir considère désormais que tout le monde parle néerlandais (ou flamand ; les dialectes flamands en Flandre ont mieux résisté à la langue-mère que les dialectes wallons en Wallonie) et au Sud, que tout le monde parle français ; l’Etat s’adresse donc aux citoyens vivant dans ces régions uniquement dans la langue de la Région, et le citoyen est tenu lui aussi de s’adresser à l’Etat dans cette langue. A Bruxelles et dans les communes dites « à facilités » (j’y reviendrai) situées le long de la frontière linguistique, le pouvoir considère que l’on parle français et flamand. Le bilinguisme est donc de rigueur dans l’administration. Les papiers officiels sont rédigés en fonction de la langue dans laquelle le citoyen s’adresse à l’Etat ou, à défaut, sont bilingues. Cependant, dans les faits, dès cette époque, on parle majoritairement français à Bruxelles (entre 80 et 90% des gens y parlent français) et dans certaines communes à facilités (entre 40 et 85% des gens y parlent français).

A bientôt,

Niihao.
Modifié en dernier par Niihao le 08 juil. 2007, 14:28, modifié 1 fois.
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Niihao
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Dernières retombées de la visite à Bruxelles : la Belgique.

Message par Niihao »

Nihao,

Et hop, encore un morceau. Mais bon, si ça n'intéresse personne, je peux m'arrêter aussi. :wink:

Après la Seconde Guerre Mondiale (en 1948, si je me souviens bien), un second referendum est organisé pour redéfinir cette frontière. On n’en a pas fait en 1942 pour cause d’occupation allemande. Le résultat pour les Flamands est effroyable : la frontière linguistique a reculé de quelques kilomètres vers le Nord. Autrement dit, dans certaines communes où l’on parlait majoritairement flamand en 1932, on parle majoritairement français en 1948. Quelques communes flamandes sont donc devenues wallonnes. Certaines communes flamandes autour de Bruxelles sont intégrées à la capitale car on y parle à peu près autant français que flamand. Mais Bruxelles reste toujours enclavée dans la Flandre.
Notons aussi que certaines communes wallonnes où l’on parlait français majoritairement en 1932 parlent majoritairement flamand en 1948 ; ces communes sont donc intégrées à la Région Flamande. La frontière linguistique n’a donc pas reculé uniformément vers le Nord.
Toujours est-il qu’une frange de la classe politique flamande se sent menacée par cette progression du français. Au Parlement, les Flamands bénéficient d’un nombre plus élevé de représentants ; effectivement, les Flamands représentent environ 5,5 millions de personnes en Belgique, les Wallons 3,5 millions et les Bruxellois 1 million, pour une population totale de 10 millions d’habitants. A l’époque, les Flamands ont donc un poids politique plus grand (c’est toujours vrai aujourd’hui). Ils évitent le referendum de 1952, arguant à juste titre qu’on en a fait un quatre ans auparavant et qu’il est inutile de le refaire. Et en 1962, forts de leur poids politique plus important, ils changent la Constitution, interdisent tous les referendum en Belgique ainsi que les questions portant sur la langue parlée à la maison et fixent ainsi définitivement la frontière linguistique.

Dès cette époque, dans les faits, il existe trois régions en Belgique : la Flandre, la Wallonie et la région bruxelloise, enclavée en Flandre. Toutefois, la Belgique reste un état indivisé, avec une seule administration centrale.

Pourtant, les Flamands ne sont pas satisfaits : ils veulent plus. Effectivement, la situation a fortement changé par rapport au XIXe siècle sur le plan économique : la Flandre accueille alors des entreprises florissantes ; en Wallonie, par contre, la sidérurgie et les mines de Charleroi et de Liège sont en déclin. Alors que les transferts d’argent public allaient de la Wallonie, plus riche, vers la Flandre, plus pauvre, au XIXe siècle et jusque dans les années ’30, la tendance s’inverse dans la seconde moitié du XXe siècle. Puisqu’elle paie plus d’impôts, la Flandre veut aussi plus de pouvoir, plus de compétences. Dans les années soixante, cela se traduit entre autres par le mouvement « Wallen buiten » (Les Wallons dehors) à l’université de Leuven (Louvain en français, parfois appelée Louvain-la-Veuve en Wallonie par opposition à la nouvelle implantation de cette université en Wallonie : Louvain-la-Neuve). Cette université, bilingue depuis la fin du XIXe siècle, revendique son caractère flamand. Cela aboutit à la création d’une nouvelle ville en Wallonie, Louvain-la-Neuve, où j’ai fait mes études, et l’université est scindée. Au cours des années septante, des mouvements politiques flamands séparatistes se redéveloppent (ils s’étaient déjà constitués dans les années trente sous d’autres forme) : la Volksunie, mais surtout le Vlaams Blok. J’en reparlerai plus tard… Vu les gains électoraux de ces partis séparatistes, les autres partis flamands, pour récupérer leur électorat, demandent sans cesse de nouvelles réformes de l’Etat.

A bientôt,

Niihao.
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Nath84
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Message par Nath84 »

Merci Nihao , ça éclaire beaucoup pour les "novices" que nous sommes :wink: et j'en ai appris énormemment sur le fonctionnement de la "capitale" européenne !

Tu peux continuer ,nous sommes plusieurs à te lire et à être interressé !

à bientôt ,

Nath.
Si tu vois un éléphant avaler une noix de coco, c'est qu'il a confiance en son derrière...
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Niihao
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Message par Niihao »

Nihao,

Merci, Nath, c'est gai de savoir qu'on ne parle pas dans le vide. Je continuerai donc, mais pas aujourd'hui, je pense ; je crains qu'un poste trop long d'un coup soit pénible. Mais bon, je peux me tromper...

A bientôt,

Niihao.
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TeTRaM78
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Message par TeTRaM78 »

Continue, même pour les Belges, il me semble que c'est intéressant de recentrer et de ressituer l'origine de cette "lutte fratricide"...
p concorde avec n'importe quel élément p, parce que pour tout p, si l'expression p est évaluée dans le contexte de son élément parent, alors cet élément p appartiendra à l'ensemble des nœuds résultat.
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Ashe
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Message par Ashe »

J'attends le post sur les communes à facilités. J'ai entendu un reportage là-dessus à la radio et j'aimerai avoir le point de vue d'un belge.
"Ce que nous appelons équilibre naturel n'est qu'un ensemble de deséquilibres qui se compensent mutuellement." Denis Terver (quoique ...)
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Niihao
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Message par Niihao »

Nihao,

Merci de votre intérêt :wink: . Aujourd'hui, c'est un gros morceau, mais je pouvais difficilement couper dedans car tout se tient. Bonne lecture!

Finalement, en 1993, les politiques flamands obtiennent gain de cause : la Belgique devient un état fédéral, constitué de trois régions et de trois communautés. Et là, les choses se corsent encore plus. Je m’explique :

- il existe donc trois régions : la Région Flamande, la Région Wallonne et la Région Bruxelles-Capitale. Ca signifie que chacune de ces régions possède un parlement, des députés et des ministres. Les régions ont le droit de lever des taxes et des impôts et ont des compétences politiques telles que l’économie régionale et internationale, l’aménagement du territoire, la politique de l’environnement, la gestion de l’énergie, les travaux publics,… L’Etat central, fédéral n’a plus rien à leur dire en ce qui concerne les politiques mises en place dans ces matières. Ces régions ont été créées en 1970, mais leur autonomie devint importante surtout à partir de 1993.

- il existe aussi trois communautés (créées elles aussi en 1970) : il s’agit d’un découpage administratif en fonction de la langue parlée par les gens. Bien sûr, on ne peut plus demander aux citoyens la langue qu’ils parlent à la maison à cause de la Constitution obtenue par les Flamands en 1962. Ces communautés ont donc été définies en fonction des postulats linguistiques de 1962. Autrement dit, on sait qu’il y a des gens qui parlent français en Wallonie et à Bruxelles ; la Communauté Française recouvre donc la Wallonie et Bruxelles. On sait qu’il y a des gens qui parlent flamand en Flandre et à Bruxelles ; la Communauté Flamande recouvre donc la Flandre et Bruxelles. Enfin, il existe également une Communauté Germanophone en Belgique. Ce sont donc des gens qui parlent allemand. Ils vivent dans ce que l’on appelle les « cantons rédimés » à l’extrême Est de la Belgique. Ces cantons sont en fait des communes cédées par l’Allemagne après 14-18 en guise de réparation de guerre, un peu comme l’Alsace-Lorraine, si ce n’est que ces territoires n’avaient jamais appartenu à la Belgique auparavant. Le territoire couvert par cette communauté se situe en Wallonie et donc en Région Wallonne.
Les Communautés ont des compétences différentes de celles des Régions : enseignement, promotion de la culture, sport, recherche, promotion sociale, formation, réinsertion sociale, immigration, politiques de la santé (mais la sécurité sociale est quant à elle fédérale…pour l’instant),… Elles décident de la politique à développer en terme de programme scolaire, de favorisation de la recherche, de la promotion de la culture, de la politique d’immigration,…sans avoir à rendre des comptes au gouvernement fédéral dans ces domaines. Contrairement aux Régions, elles ne peuvent prélever d’impôts. En effet, elles sont chargées de financer leurs domaines de compétence uniquement pour les citoyens de leur communauté. Or on ne peut pas demander aux gens à quelle communauté ils appartiennent. Donc, pas de prélèvement d’impôts. Elles sont donc financées par l’Etat fédéral.

- il subsiste encore un niveau fédéral : il regroupe des compétences comme la défense, les finances, la justice, la sécurité sociale, les chemins de fer…Ce niveau de pouvoir a également ses propres ministres et peut lever des impôts et des taxes, qu’il redistribue entre autres aux Communautés.

Il est extrêmement important de comprendre que ces différents niveaux de pouvoir se superposent partiellement. Ainsi, à Bruxelles, on trouve quatre niveaux de pouvoir : le fédéral, comme partout en Belgique, le régional (bruxellois en l’occurrence) et les deux communautés puisqu’il y a des gens parlant français et d’autres parlant flamand. Au Sud du pays, on trouve également quatre niveaux de pouvoir : le fédéral, la région wallonne, la communauté française, mais aussi la communauté germanophone, puisque les cantons rédimés se trouvent à l’Est de la Wallonie. Au nord du pays enfin on ne trouve que trois niveaux de pouvoir : le fédéral, la Région Flamande et la Communauté Flamande. Chacun de ces niveaux possède ses ministères et ses ministres. Je vous laisse imaginer le nombre de personnes que ça fait.

Ajoutons encore que le roi se situe au-dessus de tous ces niveaux de pouvoir. Il a un peu la même fonction de représentation du pays que le président en France, à ceci près qu’en France, le président a pas mal de pouvoir. En Belgique, si le roi se permet de faire un discours un peu trop teinté politiquement, comme voici quelques mois, ça fait un foin du diable, particulièrement en Flandre. Effectivement, le roi incarne l’unité de la Belgique ; il est donc un symbole gênant pour des hommes politiques qui de plus en plus réclament la scission totale de la Belgique.

A noter aussi que ces gesticulations indépendantistes sont surtout le fait des politiciens ; ce week-end, un sondage de deux journaux, l'un francophone et l'autre néerlandophone, montre que la population flamande est à 93% contre une scission de la Belgique et que la population Wallonne est à 98% contre cette même scission...

Voilà pour aujourd'hui. J'espère que j'ai été relativement clair ; sinon, posez vos questions, j'essaierai d'y répondre dans la mesure de mes moyens.

A bientôt,

Niihao.
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Spyp
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Message par Spyp »

Nimen hao,

J'ai décidé de joindre quelques cartes pour que vous puissiez mieux comprendre le découpage de la Belgique.

Image

Je ne sais pas si c'est plus clair.

Bonne lecture,

Spyp
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Niihao
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Message par Niihao »

Nihao,

Merci, Spyp, enfin, Poussin.

A bientôt,

Niihao.
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Message par Niihao »

Nihao,

Encore un morceau conséquent aujourd'hui. Il s'agit des problèmes qui découlent de l'organisation économico-institutionnelle du pays.

L’enjeu de ce système est de faire cohabiter pacifiquement deux communautés. Jusqu’ici, ça a plutôt pas mal fonctionné. Toutefois, cette organisation pose certains problèmes : d’une part, les Flamands réclament toujours plus de compétences pour les régions. Il faut savoir que cela leur permet de scinder les dépenses du pays. Or, comme je l’ai expliqué plus haut, la Flandre est aujourd’hui le moteur économique du pays. Les recettes sont donc plus importantes là-bas. Dans un système où l’argent est prélevé au niveau national, il est aussi redistribué au niveau national, en comblant les besoins là où c’est nécessaire. Et il est vrai qu’à notre époque, ces besoins se font davantage sentir en Wallonie qu’en Flandre. L’Etat fédéral ponctionne donc les citoyens flamands et wallons, mais redistribue davantage aux Wallons. Les Flamands ont donc l’impression de payer pour les Wallons. Tandis que lorsqu’une compétence est régionalisée, l’argent des impôts est redistribué au sein de la même région, peu importe si au niveau national une région a des besoins plus importants qu’une autre. Dans le cas d’une compétence régionalisée, les Flamands paient donc leurs impôts pour des Flamands, et les Wallons pour des Wallons. Si les Wallons ont davantage de besoins que les Flamands, tant pis pour eux…
Ce que les partis séparatistes du Nord du pays oublient, c’est que durant les 110 premières années de la vie de notre pays, les transferts d’argent se sont faits de Wallonie vers la Flandre. C’était les impôts wallons qui comblaient les manques des infrastructures flamandes…

Un deuxième problème, plus pratique celui-là, est posé par ce système : prenons l’exemple de l’enseignement. C’est une compétence des communautés. Au Nord du pays, c’est la Communauté Flamande qui doit se charger de financer les écoles ; au Sud, c’est la Communauté Française. Comme les communautés ne peuvent lever d’impôt, elles reçoivent une certaine somme du niveau fédéral. Jusque là, les deux communautés sont sur pied d’égalité. Mais :
- la Wallonie possède une population plus jeune que la Flandre. Il y a donc plus d’enfants en âge d’aller à l’école en Wallonie. Il faut donc plus d’argent pour financer l’enseignement en Communauté Française.
- on peut déterminer avec une précision relative le nombre de francophones et de néerlandophones en Belgique en se basant par exemple sur la langue dans laquelle sont rédigés les papiers officiels, les papiers de banque,… Logique : les gens parlant français chez eux s’adressent en français à l’Etat pour leurs requêtes, veulent être informés en français des offres de leur banque,… On a ainsi pu estimer la population francophone de Bruxelles à 85-90 % du million de Bruxellois. On sait de la même manière que bon nombre de personnes habitant autour de Bruxelles, mais en Flandre, parlent français chez eux. Dans certaines communes, ces francophones représentent 40 à 85 % de la population, malgré qu’elles soient situées en Région Flamande. On a appelé ces communes « communes à facilités » parce que les francophones y ont des facilités pour certains actes administratifs ; j’y reviendrai. Cela signifie que d’une part, la Communauté Française doit financer l’enseignement de 85% des Bruxellois, plus des quelques dizaines, voire centaines de milliers de francophones des « communes à facilités ». Bien entendu, sur le plan politique, on considère que Bruxelles est peuplée à moitié de Flamands. Autrement dit, la Communauté Française doit financer plus que ce qu’elle est censée faire. D’autre part, les francophones des communes à facilités mettent leurs enfants dans des écoles francophones de Bruxelles ; en Flandre, il n’existe que des écoles où l’on parle flamand. Mais le fédéral n’octroie pas de subsides à la Communauté Française pour ces élèves supplémentaires, puisque ces élèves sont censés parler flamand car ils habitent en Flandre. L’enseignement à prodiguer à tous ces élèves en plus grève le budget de la Communauté Française.
- ceci ne serait pas un gros problème si la Région Wallonne et la Communauté Française avaient pu fusionner, comme la Région Flamande a fusionné avec la Communauté Flamande. En effet, l’enseignement étant sous-financé en Belgique, la Communauté Flamande avait elle aussi besoin de subsides supplémentaires pour améliorer la qualité de ses écoles. Elle a donc demandé de l’argent à la Région Flamande qui lui en a octroyé. En effet, la Communauté Flamande s’occupe de l’enseignement pour les Flamands en Région Flamande et à Bruxelles. Or, puisqu’il y a environ 850 000 Francophones à Bruxelles, il n’y a que 150 000 Flamands dans la capitale. Cela représente à peu près 3% de la population flamande totale. Comme ce chiffre est peu élevé, il est politiquement acceptable que 3% de la population flamande soit exonérée d’impôt pour financer l’enseignement. En effet, la Région Flamande ne peut prélever d’impôt qu’en Flandre, pas à Bruxelles (là, c’est la Région Bruxelloise). Les Flamands de Bruxelles ne paient donc pas d’impôts destinés à l’enseignement, puisque la Région Bruxelloise ne peut pas s’occuper d’enseignement (elle n’a pas cette compétence, réservée aux Communautés). D’autre part, comme il s’agit de seulement 3% de la population, les électeurs ne vont pas chipoter, d’autant que les fonds alloués par la Région Flamande à la Communauté Flamande servent à améliorer la qualité de l’enseignement pour les Flamands. Du côté francophone, la situation est inversée : la population de la Région Wallonne est de 3,5 millions. C’est donc uniquement ces citoyens-là qui paient des impôts. Imaginons que la Communauté Française et la Région Wallonne fusionnent et que la Région donne de l’argent à la Communauté pour financer l’enseignement. Comme la Région Wallonne ne peut pas prélever d’impôts à Bruxelles (c’est la Région Bruxelloise), cela veut dire qu’elle donnerait de l’argent à la Communauté Française pour 850 000 personnes qui ne paient pas d’impôt. Cela représente environ 25% de la population de la Région Wallonne. Evidemment, il n’est pas politiquement défendable de faire payer 80% de la population alors que les 20% restant ne paient rien. En outre, la Région Wallonne prélève également des impôts dans la Communauté Germanophone. Eh, oui, les citoyens parlant allemand en Wallonie sont sous la juridiction de la Région Wallonne ; ils sont environ 70 000. Or, si la Région Wallonne donne de l’argent à la Communauté Française, les germanophones ne recevront pas cet argent, puisque c’est la Communauté Germanophone qui est chargée de gérer l’enseignement pour les germanophones. Pour les Germanophones, il n’est donc pas question de payer des impôts à la Région Wallonne pour que ces impôts servent à financer uniquement la Communauté Française.

La Communauté Française faisait donc face à un déficit chronique qu’elle était incapable de combler. Les Francophones ont donc dû demander une réforme de l’Etat pour réclamer que le niveau fédéral lui octroie plus de subsides. Les Flamands en ont profité pour exiger en contrepartie de nouvelles compétences…

L’enseignement était un exemple, mais il en va évidemment de même pour ce qui est de toutes les autres compétences des Communautés : culture, sport, immigration, réinsertion sociale,... Je vous laisse imaginer le déficit de la Communauté Française…

La prochaine fois, on attaque les communes à facilités... Préparez l'aspirine :wink: .

A bientôt,

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Message par Niihao »

Nihao,

Voici les communes à facilités. Bienvenue dans l'esprit tordu des Belges.

Le problème des communes à facilités est différent. Tout d’abord, il faut savoir qu’elles sont très mal nommées : depuis leur création, elles posent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Ces communes sont situées le long de la frontière linguistique et autour de Bruxelles. Dans ces communes, on trouve des Belges parlant français et flamand. Si ces communes sont situées en Région Flamande, il y a officiellement une minorité de francophones ; si elles sont situées en Région Wallonne, il y a officiellement une minorité de néerlandophones. Pratiquement, dans un certain nombre de communes à facilités en Région Flamande, les Francophones sont majoritaires, comme à Bruxelles. Dans une seule commune de Région Wallonne, à ma connaissance, ce sont les Néerlandophones qui sont majoritaires (Commines, près du Nord-Pas-de-Calais). Dans ces communes, les « minorités » ont des facilités pour remplir les papiers officiels (entre autres) : lorsque les gens se trouvent en Région Flamande et sont Francophones, ils ont le droit de demander leurs papiers officiels en français ; lorsque les gens se trouvent en Région Wallonne et sont Néerlandophones, ils ont le droit de demander leurs papiers officiels en néerlandais. Durant quelques années, ce système a parfaitement bien fonctionné et fonctionne toujours en Région Wallonne ; les gens reçoivent automatiquement leurs papiers dans leur langue. Cela a déjà posé un problème, puisqu’il était constitutionnellement interdit de demander aux citoyens la langue parlée. En fait, en Région Wallonne, les autorités envoyaient une fois les papiers en français, langue officielle de la région, les Néerlandophones les renvoyaient pour demander à les recevoir en néerlandais, et tous les papiers étaient alors renvoyés automatiquement en néerlandais. En Région Flamande, les autorités envoyaient une fois les papiers en néerlandais, langue officielle de la région, les francophones les renvoyaient pour demander à les recevoir en français, et tous les papiers étaient alors renvoyés automatiquement en français. Ainsi, dans les communes à facilités uniquement, chacun recevait ses papiers officiels dans sa langue, en Wallonie comme en Flandre. Cependant, en Flandre, depuis quelques années, une « circulaire » (autrement dit une loi dictée par un ministre compétent) obligeait les communes à facilités à rédiger et à envoyer tous les papiers officiels uniquement en flamand en Région Flamande. Si les francophones des communes à facilités souhaitaient obtenir ces papiers en français, ils devaient et doivent encore en faire la demande à chaque fois à leur administration. Outre le caractère proprement fastidieux et onéreux de ce système pour les francophones, cette circulaire fut surtout considérée anticonstitutionnelle par les politiciens francophones ; d’après la Constitution de 1993 et les accords de 1962, les Francophones des communes à facilités avaient droit à recevoir leurs papiers en français. Le but de la manœuvre était de décourager les Francophones à revendiquer leur appartenance linguistique, voire, éventuellement, de les inciter à quitter la Flandre. Les Francophones ont donc décidé d’aller devant le Conseil d’Etat (un tribunal chargé de trancher la constitutionnalité de toute politique en Belgique) pour réclamer l’annulation de la circulaire. L’affaire est en cours depuis plusieurs années, et pendant ce temps-là, cette circulaire est toujours d’actualité. Heureusement, dans un certain nombre de ces communes, le pouvoir communal est aux mains des francophones, majoritaires. La circulaire Peters n’est donc pas mise en application dans ces communes. C’est l’un des problèmes posés par les communes à facilités.
Dans le même genre, mais pas spécifique aux communes à facilités, la Flandre a à présent décidé d’imposer à tout qui postule pour l’obtention d’un logement social un test de connaissance en néerlandais à moins d’accepter de suivre des cours de néerlandais (au départ, il n’était pas question de cette dernière mesure qui n’a été annoncée qu’une fois qu’il y a eu un tolle du côté wallon). Si les citoyens ne satisfont pas à cette condition, ils ne peuvent bénéficier d’un logement social. C’est discriminant à la fois vis-à-vis des Francophones, mais aussi vis-à-vis des étrangers qui ont souvent grandement besoin de ces logements sociaux.

Il y a aussi le dossier Bruxelles-Hal-Vilvoorde, mais ça, c’est extrêmement compliqué… Disons juste qu’en gros, en général, les Flamands n’ont le choix que de voter pour des candidats flamands, les Wallons pour des candidats wallons. Il n’y a que dans l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvoorde que les citoyens peuvent voter à la fois pour des Flamands ou pour des Francophones. Et là aussi, ça pose des problèmes politiques, mais très complexes…

A bientôt,

Niihao.
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Ashe
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Message par Ashe »

Et voilà pourquoi Clovis, né à Tournai (Doorninck) et germanophone a immigré vers le sud pour cesser d'être Franc et devenir roi de France ... Ca devait déjà être le souk ...
"Ce que nous appelons équilibre naturel n'est qu'un ensemble de deséquilibres qui se compensent mutuellement." Denis Terver (quoique ...)
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Niihao
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Message par Niihao »

Nihao,

@ Ashe : et quand on sait que ça n'a fait qu'empirer depuis... Et nous avons des élections le 10 juin ; je ne vous raconte pas la surenchère communautaire actuellement.

Je publie ci-dessous, avec l'aval de Nicolas, la description du paysage politique de Belgique, qui est "légèrement" différent de celui de la France.

Enfin, un petit panorama du monde politique belge, histoire de voir les grandes tendances. En Belgique, il y a quatre partis principaux en Région Wallonne et cinq en Région Flamande :

- le PS (parti socialiste) et son pendant flamand, le SP.a (socialistisch partij anders, en français « parti socialiste autrement »). Ces deux partis correspondent à l’aile gauche de la politique. Contrairement à la France, il n’existe pas de parti communiste puissant en Belgique (il obtient toujours moins de 5% de votes ces dernières années), et même du temps de l’essor du communisme, ce parti n’a jamais constitué une force décisive en Belgique. En revanche, l’aile gauche de la politique belge a toujours constitué une force politique importante vu la grande industrialisation de notre pays. Aujourd’hui encore, le PS est une force politique incontournable en Wallonie. Le SP.a s’est allié à un petit parti séparatiste (Spirit) lors des dernières élections, issu de l’implosion d’un ancien parti séparatiste qui était relativement peu développé (moins de 10% des votes flamands) : la Volksunie (Union du Peuple). Depuis ces élections, le SP.a s’est fait plus revendicateur des volontés flamandes qu’avant. A remarquer que le PS et le SP.a sont tout à fait indépendants l’un de l’autre puisque les Wallons ne peuvent pas voter pour le SP.a, ni les Flamands pour le PS (sauf dans l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvoorde) ; cette remarque est valable pour tous les partis.

- le MR (mouvement réformateur) et son pendant flamand, l’openVLD (open vlaamse liberale démokraten, en français les démocrates libéraux flamands « ouverts »). Ces deux partis correspondent à l’aile droite de la politique. Le MR est en fait un regroupement de différents partis de droite : l’ancien PRL (parti réformateur libéral), le FDF (front des Francophones), parti présent surtout à Bruxelles et dans les communes à facilités dont le but était de défendre les intérêts des Francophones dans ces communes), et le MCC (mouvement centre chrétien), parti issu de transfuges du CDh. L’open VLD a aussi accueilli des transfuges de l’ancienne Volksunie lorsque ce parti a implosé.

- le CDh (centre démocrate humaniste) et son pendant flamand, le CD&V ( christiaens, demokraten en Vlaams, chrétiens démocrates et Flamands, je pense). Ce sont deux partis centristes, qui piochent à la fois dans des politiques de gauche et de droite. Ce sont aussi les anciens partis « chrétiens », défendant donc un message autrefois à tendance relativement conservatrice. La société wallonne étant de moins en moins focalisée sur l’aspect chrétien de la politique, le CDh a abandonné la référence explicite au mot « chrétien », même s’il reste imprégné d’idéologie chrétienne. Il s’appelait avant PSC (parti social-chrétien). En Flandre, l’Eglise garde une emprise relative sur la société, et le CD&V préfère donc toujours se prévaloir de sa référence idéologique religieuse. Ce parti est aujourd’hui le parti démocratique le plus acharné à défendre les volontés flamandes. Rappelons aussi que l’Etat belge n’est pas laïque, contrairement à l’Etat français, ce qui explique l’existence de ces partis.

- Ecolo et son pendant flamand, Groen ! (Vert !). Comme vous l’aurez compris, ces partis sont des partis écologistes. Ecolo est de tendance plutôt centre gauche en plus de son idéologie environnementale. C’est un parti relativement important dans le domaine francophone et surtout à Bruxelles. Pour la tendance de Groen !, j’avoue que je ne sais pas ; ce parti est une force politique peu importante en Flandre.

- Il existe en Flandre uniquement le VB (vlaams belang, ex vlaams blok, front flamand ; ce parti a juste changé de nom voici deux ans, pour des raisons politiques et judiciaires). Il s’agit d’un parti nationaliste flamand, avec tout ce que ça implique. Il est séparatiste et a fait de « België barst » (« Belgique crève », littéralement) sa devise. Dans certaines villes flamandes, il totalise plus d’un tiers des voix… Il n’a pas d’égal en Wallonie, même s’il existe un parti nommé FN (je ne vous fais pas l’affront de détailler la signification de l’acronyme), d’extrême-droite lui aussi, mais pas séparatiste. Il est actuellement en pleine déliquescence ; les principaux ténors de ce parti se sont tirés dans les pattes…

- Mentionnons enfin qu’il existe un petit parti francophone séparatiste. A ma connaissance, il n’est ni nationaliste (et pour cause…), ni d’extrême-droite, même si j’avoue ne pas bien le connaître. Il s’appelle RWF-RBF pour Rassemblement-Wallonie-France et Rassemblement-Bruxelles-France. Actuellement, ce parti fait plus rire qu’autre chose et ne totalise que deux-trois pourcents des votes, surtout au Sud de la Wallonie. Comme quoi, l’idée d’un rattachement de la Wallonie à la France ne va pas de soi pour les Wallons.

En Belgique, contrairement à ce qui se passe en France pour autant que je sache, il n’y a qu’un seul tour pour chaque élection. Pour pouvoir diriger, le parti vainqueur doit former une coalition, c’est-à-dire s’allier avec d’autres partis. Ainsi, il est régulier que l’on ait des coalitions dites « violettes » qui voient l’alliance des socialistes et des libéraux (gauche et droite). Nous avons ainsi différents surnoms pour les différentes alliances possibles : l’arc-en-ciel rassemble socialistes, libéraux et écologistes ; l’olivier rassemble les chrétiens (ou anciens chrétiens) et les écologistes ; la turquoise pour les libéraux et les écolos. Ces nouveaux noms sont relativement récents, à ma connaissance ; certaines alliances politiques n’ont donc pas encore été actualisées et n’ont donc pas encore reçu de surnom. En outre, jusqu’à présent, les partis flamands ont toujours maintenu ce que l’on appelle en Belgique un « cordon sanitaire » autour du VB. Par un accord mi-tacite, mi-public, les partis flamands ont promis de ne jamais s’allier avec le VB à aucun niveau de pouvoir. Je vous laisse imaginer la difficulté qu’il peut y avoir pour former une coalition au niveau communal dans certaines grandes villes quand 33% des voix vont au VB. Tous les partis sont obligés de s’allier, ce qui débouche inévitablement sur des disputes politiques puisque les partenaires ont des idéologies opposées, et il devient très difficile de gouverner. On pourrait comparer ça à mettre dans un même aquarium des poissons du lac Malawi et des néons…

Voilà pour les structures institutionnelles de la Belgique. Je vous prie dès à présent d’excuser les migraines que je vous ai causées. J’espère que tout ceci vous aura permis de comprendre un peu mieux notre petit pays et de constater à quel point nous pouvons être tordus. Au moins, ça nous a permis de tenir ensemble durant 177 ans. J’espère que nos compatriotes du Nord auront suffisamment de bon sens pour que cette alliance entre nos deux communautés perdure encore longtemps dans la paix...

Demain, si ça vous intéresse, la suite sera plus "people" avec une courte histoire de la dynastie belge. Elle est intimement liée à l'histoire de la Belgique ; je pense donc que cela peut se révéler intéressant.

A bientôt,

Niihao.
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Nath84
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Message par Nath84 »

Merci beaucoup Niihao pour cet historique et cette explication sur le fonctionnement de l'état Belge = compliqué tout ça :o
Quand tu veux pour la suite ,je l'attend avec impatience ,

Nath.
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Niihao
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Message par Niihao »

Nihao,

Et c'est parti pour un morceau de dynastie!

L’histoire de la dynastie de Belgique commence…en Allemagne. En 1830, plusieurs pays ont fait la révolution : la Belgique, la France, la Pologne, mais aussi la Grèce. Les dirigeants belges ont choisi dans la noblesse allemande une étoile montante d’une famille saine ; tous les nobles de cette époque ne pouvaient pas se prévaloir de cette qualité. Les Hesse, par exemple, étaient hémophiles de mères en fils. Quelques décennies plus tard, cela coûta très cher à l’empire russe lorsque Nicolas II épousa Alexandra de Hesse…
Le choix de la Belgique se porta sur Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, un jeune noble ambitieux. Il était d’ailleurs courtisé par la Grèce. Il choisit pourtant de répondre aux demandes de la Belgique, malgré les pouvoirs réduits qu’on lui accordait. Souvenez-vous, la Révolution Française de 1789 n’était pas loin, l’Ancien Régime moins encore : les Bourbons venaient d’être évincés du trône de France, au profit des Orléanais. Partout en Europe, particulièrement en Allemagne, les souverains (en Prusse, par exemple) jouissent encore de grands pouvoirs, quand ils ne sont pas autocrates comme en Autriche ou en Russie. La démocratie n’était pas encore véritablement née : au XIXe siècle, seuls les bourgeois qui payaient le cens avaient le droit de vote en Belgique. Ailleurs en Europe…Cela ne représentait qu’une partie très ténue de la population. Léopold Ier, roi des Belges qui prêta serment le 21 Juillet 1831, se plaignit souvent de cet état de fait qui ne lui laissait presque aucune marge de manœuvre. Il se voulait autocrate ; il n’en fut rien, même si le roi jouissait à l’époque d’un pouvoir d’influence très grand, au point de donner une direction à la politique de son pays. Mais ce sont bien les bourgeois qui exécutent et votent les lois. Léopold Ier veilla à rester suffisamment éloigné du pouvoir pour conserver son trône. Il est probable que s’il ne l’avait pas fait, la Belgique serait aujourd’hui une république, en admettant qu’elle ait survécu sous cette forme…
Par ailleurs, Léopold Ier soutint les membres de sa famille dans les diverses cours européennes : des alliances matrimoniales permirent de doter la Belgique d’alliés aussi nombreux que puissants. Le roi lui-même épousa une fille de Louis-Philippe d’Orléans, roi des…Français. D’autres mariages furent organisés avec la famille de Hanovre, dynastie anglaise, et avec la famille de Habsbourg, détentrice de l’empire austro-hongrois et de l’éphémère empire du Mexique (Maximilien Ier…et dernier ; il ne régna là-bas que trois ans). Le Premier Roi réussit ainsi à en imposer à ses voisins, néerlandais surtout : Guillaume Ier d’Orange, roi des Pays-Bas, avait mal vécu l’insurrection et l’indépendance belges. Il déclara la guerre et prit Anvers et ses environs. La Belgique n’avait pas l’armée nécessaire pour faire face ; elle fit appel à ses alliés pour se défendre : la France et l’Angleterre sommèrent les Pays-Bas de se retirer. En 1839, en même temps que leurs troupes se retiraient, les Pays-Bas reconnurent l’indépendance belge contre l’abandon par la Belgique du Limbourg hollandais (environs de Maastricht). Par ce traité, le Grand-Duché de Luxembourg devint indépendant également. Il était jusque là rattaché à la Belgique. Mais sous la pression des grandes puissances, les deux pays furent scindés. Le Luxembourg était alors une place forte difficilement prenable et conférait à la Belgique un poids stratégique trop grand.

Et voilà pour le premier roi des Belges.

A bientôt,

Niihao.
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bixe22
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Message par bixe22 »

Vraiment super ce descriptif historique :D
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Niihao
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Message par Niihao »

Nihao,

Suite de l'histoire :

Le Premier Roi régna jusqu’en 1865. Selon la formule consacrée, le Roi est mort, vive le Roi : son fils, Léopold II monta sur le trône. On le surnomma le Roi Bâtisseur. Sous son règne, les grands bâtiments de Bruxelles furent érigés, particulièrement le Cinquantenaire qui célèbre en 1880, comme son nom l’indique, les 50 ans d’existence de la Belgique. On doit aussi à ce roi la construction de palais, de boulevards, de parcs, de jardins qu’il n’hésita pas à financer de sa poche. Beaucoup de ces réalisations sont encore des monuments emblématiques aujourd’hui.
Léopold II fut aussi un roi à la poigne de fer : il s’arrogea une part de pouvoir que la Constitution ne lui reconnaissait pas. Mais c’était un roi visionnaire dont les bourgeois s’accommodèrent. En outre, la Révolution Industrielle battait son plein : la Belgique était alors la deuxième économie mondiale, juste derrière le Royaume-Uni, en 1865. Léopold II veilla à développer son pays et au bon fonctionnement de l’industrie, au détriment du peuple parfois. Germinal aurait aussi bien pu se passer en Belgique…
Le Roi Bâtisseur s’occupa aussi de fournir à son pays une colonie qui lui permettrait de soutenir son développement économique. Il ne fut pas suivi par ses ministres. Qu’importait : lors du partage de l’Afrique entre les grandes puissances vers 1885, Léopold II se fit reconnaître la possession – à titre personnel – du Congo, vaste bassin de forêt vierge qui se révéla d’une immense richesse en minerais (or, diamant, cuivre et tant d’autres). Il faut dire que le roi connaissait bien la région dont il avait confié l’exploration à Stanley, explorateur de son état, et ce toujours sur ses fonds personnels. La Belgique obtint alors un empire colonial énorme en regard de son poids politique…
Le roi développa le Congo Belge à son gré : il lui appartenait en propre. Pourtant le scandale éclata au début du XXe siècle : les intendants belges, les colons se seraient livrés à des exactions vis-à-vis des Congolais de souche. Aujourd’hui encore, cette affaire n’est pas tirée au clair et empoisonne les relations avec la République Démocratique du Congo. Toujours est-il que Léopold II jura de n’être pas au courant, mais dégoûté par ces accusations, il décida en 1908 de léguer la colonie à la Belgique à sa mort…qui survint en 1909.

A bientôt,

Niihao.
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